« Aimer c’est agir », a dit Victor Hugo. Je jugeai bon de suivre le précepte du vieux play-boy. Dans cette boîte, j’aurais tout loisir de la saouler, pas seulement de mots. J’admirais ses dents et m’employais à la faire sourire pour les contempler le plus souvent possible. Le temps passait vite avec elle. Les minutes duraient quelques secondes.
À l’intérieur, je fis l’imbécile. Le club était plein de célébrités, de poivrots, de mythomanes, d’écrivains, de putes et de violeurs. La clientèle habituelle. Je forçais Anne à danser, la quittais pour saluer des copains, embrassais des jolies filles devant elle. Je pensais l’épater mais je ne faisais que la décevoir. Je le sentais, mais continuais mon petit jeu car je n’avais pas d’autre idée, et mon cerveau s’embrouillait. Je ne peux m’en prendre qu’à moi si ce qui devait arriver arriva. Anne a fini la nuit au cou d’un petit nain. Je les ai vus s’embrasser sur la bouche, avec moult échanges linguaux et salivaires. Adieu veaux, vaches, cochonneries. Anne, ma sœur Anne, je ne verrai rien venir. Etc.
Ce soir-là, j’inaugurai un nouveau cocktail : le « Case Départ ». Un tiers de vodka, deux tiers de larmes.
J’ai dormi la fenêtre ouverte. Je ronflais, la chatte aussi, le frigidaire aussi. J’étais gelé, la chatte aussi, le frigidaire aussi. En fait je ne dormais pas vraiment, la chatte non plus, le frigidaire non plus. Je me suis levé pour fermer la fenêtre ; l’animal domestique et le matériel électroménager ont cessé de me préoccuper.
« Anne, je divague et sur cette vague je bâtirai mon églogue. »
C’est de moi.